Le 26 mars 2019 – Le premier budget de la CAQ, déposé par le ministre des Finances Éric Girard, comporte peu de surprises et s’avère assez fidèle aux priorités électorales, pour le meilleur et pour le pire. Comptant sur des surplus historiques à sa disposition, le ministre des Finances amorce un réinvestissement en santé et services sociaux après les années d’austérité du précédent gouvernement.
Voici un bref topo des bonnes et moins bonnes nouvelles pour les organismes communautaires en santé mentale.
La vraie bonne nouvelle : le rehaussement de 30 millions $ du PSOC
Le budget 2019-2020 annonce un rehaussement significatif du PSOC : 30 millions $ supplémentaires à chaque année, pendant 5 ans, pour un total de 150 M $. Pour cette année, l’augmentation atteindra 35 millions $, en incluant les 5 millions qui avaient été promis au budget de l’an dernier. Après des années de stagnation et une augmentation d’à peine 17 millions en 2018-2019, les 35 millions supplémentaires au PSOC représentent une bonne nouvelle.
Évidemment, ce montant est loin de combler le manque à gagner pour permettre aux groupes en santé et en services sociaux d’atteindre le plancher de financement nécessaire à réaliser leur mission globale. Selon la TRCOBP, le manque à gagner est chiffré à 355 millions $ et beaucoup de chemin reste à parcourir. Il faudra également voir de quelle manière ces montants seront versés, et surtout s’ils seront alloués au soutien à la mission globale. Le budget ne présente pas non plus de priorités dans l’utilisation des fonds, et il reste à voir si le secteur de la santé mentale obtiendra sa juste part.
Petite inquiétude au tableau : le gouvernement « s’engage par ailleurs à faire preuve de plus de transparence à l’égard des sommes allouées. » 1 Il est difficile de faire preuve d’une plus grande transparence que la situation actuelle, puisque le détail de l’ensemble des montants versés aux organismes sont déjà publiés annuellement dans l’étude des crédits budgétaires.
Une augmentation très contrastée et ponctuelle des dépenses en santé et services sociaux : vers la poursuite de l’austérité budgétaire ?
Le budget prévoit un réinvestissement très contrasté en santé et services sociaux. L’augmentation des dépenses atteindra 5,4% en 2019-2020, le plus haut taux de croissance des dépenses de ce programme depuis dix ans, mais il redescendra à 4,1% dès les deux années suivantes. Les deux grandes priorités du gouvernement Legault viennent accaparer la part du lion des 5 milliards $ en réinvestissements : de meilleurs soins pour les aînés (2,6 milliards $ d’ici 2023-2024) et l’ajout de personnel soignant (1 milliard $ d’ici 2023-2024).
Conséquence malheureuse de priorités si appuyées, l’écart continuera de se creuser au détriment du programme de santé mentale. L’an dernier, le programme de santé mentale représentait moins de 6% des dépenses de programme en santé et service sociaux. Cette proportion continuera de diminuer et la santé mentale risque de demeurer le parent pauvre du réseau. En mettant presque tout le réinvestissement pour le soutien à l’autonomie des personnes âgées, le soutien à domicile (+29%) et l’hébergement (+7,8%), le budget laisse bien peu de marge de manœuvre pour réinvestir dans les autres programmes services. La hausse des crédits budgétaires ne couvrira même pas la hausse des coûts de système pour le programme en déficience intellectuelle et trouble du spectre l’autisme (+1,5%) et atteindra aussi peu que 1% pour le programme de lutte aux dépendances.
Variation des crédits des 7 programmes-services de 2018-2019 à 2019-2020 (en milliers $)
Source : Crédits des ministères et organismes (2019-2020), p. 167-168.
Au chapitre du programme de santé mentale, l’augmentation prévue atteint 37 M $, ce qui représente une hausse de 2,8%. Un taux de croissance aussi peu élevé représente à peu près les coûts de système. Dit autrement, le niveau de service sera à peu près maintenu pour 2019-2020. Puisque le réinvestissement en santé et services sociaux diminuera l’an prochain, et dans le contexte d’une diminution prévue de la croissance économique, il faudra redoubler d’ardeur pour obtenir de nouveaux financements pour 2020-2021… Année où le gouvernement devrait adopter un nouveau Plan d’action en santé mentale.
Le budget 2019-2020 semble donc confirmer la crainte exprimée en janvier et février derniers : le financement des priorités électorales de la CAQ, aussi nobles soient-elles, vient accaparer presque toutes les ressources financières disponibles et risque d’entraîner des compressions budgétaires dans les autres programmes. Pendant les cinq prochaines années, des sommes colossales seront versées au Fonds des générations : plus de 15 milliards $ d’ici 2023-2024.
En vrac
- Le Commissaire à la santé et au bien-être : le poste reste encore à combler, mais les crédits budgétaires prévoient 1,664 M $ pour financer ses activités dès 2019-2020. Une bonne nouvelle à suivre de près.
- Le projet Aire ouverte pour la santé psychologique des jeunes : le budget 2019-2020 prévoit des montants additionnels de 20 millions $ et amène des précisions sur le déploiement du projet. Le gouvernement prévoit mettre en place dix points de services Aire ouverte additionnels, dont quatre en 2019-2020.
Une analyse de Richard Fecteau
1. http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2019-2020/fr/documents/PlanBudgetaire_1920.pdf, p. C.17