Le 21 février 2022. – L’Arc-en-Ciel des Seigneuries, groupe d’entraide en santé mentale, a publié en décembre 2021 une étude sur les besoins en logements sociaux des personnes souffrant d’un problème de santé mentale sur un territoire allant de Contrecoeur à Boucherville, en Montérégie. Les résultats illustrent à la fois les profondes difficultés vécues par ces personnes sur un territoire quasi dépourvu de logements sociaux, leurs aspirations en matière de logement et les défis que doit relever le milieu communautaire pour répondre à ces besoins. Pour en apprendre davantage, le COSME s’est entretenu avec Kathleen Couture, coordonnatrice de l’organisme et Chiara Benetti, agente de recherche.
“L’Arc-en-Ciel des Seigneuries a toujours été sensible à la cause du logement”, déclare Kathleen Couture, pour qui il semblait plus que nécessaire d’identifier les besoins non comblés en matière de logement des personnes vivant avec un problème de santé mentale. Durant un an, Chiara Benetti a mené une enquête au long cours sur le territoire des MRC Marguerite-d’Youville et de Boucherville, sous la direction de Paul Morin, professeur au département de travail social à l’Université de Sherbrooke. Elle a ainsi rencontré 34 personnes (18 personnes qui vivent avec un problème de santé mentale et qui ont des difficultés à se loger, 8 parents qui ont un proche aux prises avec un problème de santé mentale et 8 professionnels œuvrant en matière de santé mentale et logement sur le territoire à l’étude) tandis qu’un comité de suivi composé de 8 acteurs clés du milieu a accompagné l’élaboration et la mise en œuvre de la recherche.
Un outil de rétablissement
“Il est important de considérer que le logement non seulement est avant tout un droit (Déclaration universelle des droits de l’Homme, 1948), mais il constitue aussi un outil de rétablissement qui concoure au bien-être de la personne en termes de stabilité résidentielle, appropriation de l’espace et appartenance au milieu de vie”, peut-on lire dans l’étude.
Or, on constate rapidement que le manque criant de logements sociaux et abordables sur le territoire d’étude a pour effet de fragiliser les personnes vivant avec un problème de santé mentale.
“Obligés donc de se séparer de leurs repères au niveau du milieu de vie et du réseau social, ces personnes se retrouvent alors face à davantage de précarité, privées de l’aide de leur réseau, et au risque de développer des manifestations liées à leur problème de santé mentale.”
L’étude a permis de faire ressortir quatre grandes thématiques.
L’insécurité (matérielle et immatérielle)
“On a pu observer l’importance du logement du point de vue des repères. Plusieurs personnes interrogées avaient peur de devoir partir de leur territoire avec lequel elles ont bâti un sentiment d’appartenance”, explique Chiara Benetti. Un sentiment d’insécurité exacerbé par la hausse des loyers, des taux d’inoccupation très bas et le phénomène d’exode de Montréal vers les territoires périphériques.
L’invisibilité (institutionnelle, sociale et réticence à la visibilité)
À travers l’étude, on apprend que la totalité des personnes vivant avec un problème de santé mentale ont entrepris des démarches officielles pour demander un HLM et plusieurs d’entre elles ont également effectué des démarches auprès d’organismes spécialisés en logement. “Le problème d’invisibilité institutionnelle subi par les participants ne concerne pas seulement l’incapacité des instances publiques ou du tiers secteur de fournir des solutions concrètes à leurs difficultés en matière de logement, mais il se traduit aussi dans un manque de reconnaissance quant à l’existence ou à l’ampleur du problème”, rappelle Chiara Benetti dans son enquête.
L’appartenance (à la communauté, au territoire)
“L’intérêt d’un tel concept et de ses dimensions dans le cadre de cette recherche est lié au rôle positif, documenté déjà depuis plusieurs décennies, que le sentiment d’appartenance peut jouer sur la santé mentale des individus”, reprend-on dans l’étude.
L’appropriation (espace physique et espace social)
Lorsqu’on a interrogé les personnes vivant avec un problème de santé mentale sur les solutions les plus adaptées en termes d’hébergement, beaucoup ont cité la coopérative d’habitation. Ils ont également exprimé leur préférence pour “une solution diffuse, afin d’éviter la discrimination et favoriser l’accès à l’offre de services du territoire.”
Et après ?
“Nous sommes présentement en phase d’élaboration d’un projet concret”, avance Chiara Benetti, qui poursuit son travail au sein de l’organisme. Deux solutions ont été avancées dans l’étude, allant vers une nouvelle construction à long terme qui pourrait prendre la forme d’une coopérative d’habitation, et des solutions de suppléments au loyer afin de répondre à la demande de logements sociaux à court terme. Mais rien n’est acquis. “Lors de nos rencontres, lorsqu’on reçoit des commentaires venant de certaines municipalités, on remarque qu’il y a encore peu d’acceptabilité sociale pour de tels projets. Notre travail va consister à déconstruire ces préjugés. Cela amène des défis supplémentaires”, conclut Kathleen Couture.
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